Le séquoia géant (sequoiadendron giganteum)



L'un des trois séquoias

Le séquoia géant est un conifère. Il est classé dans la famille des Taxodiacées1 (classification classique) et dans celles des Cupressacées (classification phylogénétique). C'est l'une des trois espèces comprises anciennement dans le genre "séquoia", les deux autres étant le séquoia à feuilles d'if, ou séquoia toujours vert (sequoia sempervirens) et le métaséquoia (metasequoia glyptostroboides). Par la suite, les trois espèces furent séparées en trois genres différents.



Gigantisme

Sequoiadendron giganteum est le plus grand arbre du monde en volume. Le champion des séquoias géants est le "General Sherman" avec un volume de 1486 m3, une circonférence de 31,3 mètres et une hauteur de 83,8 mètres.2

Cette photo reflète bien la démesure d'une forêt de séquoias géants © Marc Meyer
Ces deux photos donnent une bonne idée de la taille des séquoias géants .Ci dessous, le fameux General Sherman.
L'arbre le plus grand du monde en volume. Le General Sherman, l'arbre le plus grand du monde en volume © Marc Meyer.

Le séquoia géant n'est pas le plus grand arbre du monde en hauteur, ni en largeur d'ailleurs3. Le qualificatif "géant" est pourtant le plus approprié pour décrire un tel arbre. On le nomme également "arbre mammouth" dans plusieurs langues (mammutbaum, arbol del mamut, mammoetboom, etc.).

Ce qui frappe au premier regard, c'est bien sûr la largeur du tronc du séquoia géant. Les plus gros séquoias ont une circonférence d'environ trente mètres. Il s'agit là d'arbres âgés de 1500 à 2500 ans.



Un habitat naturel limité

A l'état naturel, on ne trouve des séquoias géants que sur le versant occidental de la Sierra Nevada en Californie centrale. Les séquoias y poussent en différents groupes éparpillés sur un axe d'environ 400 km, dont la taille varie de trois individus à plusieurs milliers. 75 groupes ont été identifiés. Appelés "groves" en anglais, ils ont chacun leur nom (Mariposa Grove, Grant Grove, etc.). Le plus grand groupe, Redwood Mountain Grove, compte environ 15800 arbres d'une circonférence supérieure à un mètre. La superficie totale des forêts de séquoias géants est d'environ 14410 hectares.

La Sierra Nevada: dernier refuge naturel des séquoias géants. Photo par Kit Gentry
La Sierra Nevada: dernier refuge naturel des séquoias géants. Photo par Kit Gentry

De nos jours, la plupart des espaces où poussent les séquoias géants sont protégés4 et intégrés dans des parcs nationaux ou des parcs d'état. Les cinq parcs principaux étant:

- Sequoia National Park
- Kings Canyon National Park
- Giant Sequoia National Monument
- Yosemite National Park
- Calaveras Big Trees State Park

Les forêts de séquoias géants bénéficient d'un bon ensoleillement. Elles s'étalent entre 1300m et 2300m d'altitude. L'essentiel des précipitations y tombe sous forme de neige. C'est donc un climat très différent de celui qu'apprécie le séquoia sempervirens: brouillard persistant, absence de fortes gelées, précipitations abondantes et forêts denses et ténébreuses.

Dans les forêts de séquoias, l'essentiel des précipitations tombe sous forme de neige.
Photo par QT Luong/terragalleria.com, tous droits réservés.

On s'est longtemps posé la question de savoir pourquoi les séquoias restaient cantonnés à leurs "groves", au lieu de se développer sur l'ensemble de la Sierra. L'explication remonte aux périodes glaciaires. Les pentes où poussent les séquoias n'ont pas été glacées, mais elles sont séparées entre elles par des vallées qui le furent. Ces vallées sont encore toujours plus froides que celles où se trouvent les séquoias. Ils n'ont pu les recoloniser. De manière générale, on constate que le séquoia géant ne se propage pas en dehors des territoires où il subsitait lors de sa découverte par les Occidentaux. Tous les séquoias géants situés en dehors de ceux-ci ont été plantés par l'homme.



Une reproduction enflammée

Les cônes femelles du séquoia géant mûrissent au bout de dix-huit mois. Cependant, ils peuvent rester fermés sur l'arbre pendant plusieurs années (jusqu'à vingt ans!) Ils ne s'ouvrent qu'à la fin d'un été particulièrement chaud, ou grâce à la chaleur d'un incendie. Les feux naturels étaient fréquents dans toute la région. L'écorce des séquoias géants, épaisse de plusieurs centimètres et dépourvue de résine, les protègent efficacement de ces feux périodiques.

Dans un souci de prévention, l'intervention humaine a dans un premier temps limité ces incendies de forêt, grâce à la présence de troupeaux dans les vallées concernées ou au débroussaillage organisé. Ceci privait en fait, sans le savoir, les séquoias d'un de leurs moyens de reproduction principaux.

Une autre conséquence néfaste de cette intervention fût la recolonisation des pentes, ainsi dégagées, par des sapins (abies concolor notamment) : arbres particulièrement inflammables. Dès lors, au cas où un incendie se déclenche, il est nettement plus violent. Pour les hautes branches des séquoias, la combustion des sapins est évidemment bien plus dramatique qu'un vulgaire feu de broussailles.

Incendie de forêt en Californie. On aperçoit un séquoia géant à l'avant-plan à droite.
Ces dernières années la Californie a connu plusieurs feux de forêt particulièrment violents. Photo par Dave Schumaker

Le feu intervient dans d'autres aspects-clés de la reproduction du séquoia géant. Il fût constaté que si la germination des graines doit se faire à l'abris des radiations solaires, la première poussée du plant de séquoia nécessite, elle, beaucoup de lumière : elle ne supporte pas la concurrence d'autres plantes mieux adaptées à l'ombrage forestier. Cette situation paradoxale constitue, bien sûr, un handicap pour le renouvellement de l'espèce.

C'est ici que l'on comprend mieux la double importance des incendies dans la reproduction des séquoias géants. Les flammes brûlent les broussailles et nettoient le sol en préparation de la chute des graines. Graines que le feu libère des cônes par la chaleur qu'il dégage. Les cendres retombantes recouvrent suffisamment les graines pour les protéger du soleil et permettre leur germination. Quand la tige finit par sortir du sol, elle peut se développer sans affronter la broussaille environnante, disparue dans l'incendie.

Les responsables de la gestion des parcs nationaux tiennent désormais compte de ce processus et ont changé radicalement de politique dans la gestion de l'environnement où grandissent les séquoias géants. Mais le réaménagement de ces espaces prendra du temps. L'usage de feux sous contrôle a également été introduit.

Même pour le plus grand arbre du monde, le petit écureuil est un précieux allié. © Caroline Meyer
Ecureuil de Douglas

Le séquoia géant connaît deux autres alliés dans son processus de reproduction: l'écureuil de Douglas et un insecte de la famille des capricornes, le phymatode brillant (Phymatodes nitidus). Tous deux ont la caractéristique de se nourrir des cônes de séquoias mais pas de leur graines! Toujours suspendus à l'arbre, les cônes abîmés par nos deux prédateurs libèrent leurs graines sur une vaste étendue.



Plus ancien que les dinosaures

La découverte de fossiles a permis d'établir que les séquoias géants étaient largement répandus en Europe et en Amérique du Nord pendant le Jurassique et le Crétacé. Ils apparaissent au cours du Trias, il y a environ 200 millions d'années. C'est à la fin du Crétacé, de par un refroidissement et un assèchement progressifs du climat, que le sequoiadendron va peu à peu laisser la place à d'autres espèces mieux adaptées. Il disparaît d'Europe il y a vingt millions d'années. Le phénomène se poursuivra. C'est il y a deux millions d'années que le séquoia géant se voit cantonné aux territoires de Californie centrale que nous lui connaissons actuellement.





L'intervention de l'homme


Outre l'impact de l'homme sur le cycle des incendies, l'arrivée des Occidentaux va bien sûr influencer l'avenir de l'espèce, et ce dans des sens très divers.

La découverte des séquoias géants par le grand public en 18525 va faire sensation. Quelques exemplaires vont immédiatement subir la loi des haches; ceci afin d'en exposer une portion, une tranche, voire un morceau d'écorce, dans diverses expositions aux quatre coins du monde. C'est que la taille des arbres abattus rendaient leur transport impossible!

Certains eurent rapidement l'idée de faire des séquoias une attraction touristique. Une des trouvailles de l'époque consista à creuser un tunnel dans le tronc de l'arbre pour y faire passer un véhicule. Plusieurs arbres connurent cette expérience et bien sûr aucun n'a survécu. Le plus célèbre d'entre eux se nommait le "Wawona Tree". Wawona désigne le séquoia en langue indienne yosemite. Le Wawona Tree fût creusé en 1881. Il résista jusqu'en 1969 et vit passer toutes les générations d'automobiles.

Wawona Tree © www.alamedainfo.com
Wawona Tree, Yosemite National Park © www.alamedainfo.com
Coccinelle sous le Wawona Tree © www.alamedainfo.com
De 1881 à 1969, le Wawona Tree vit défiler toutes les générations d'automobiles (parc national de Yosemite).

Malheureusement, les séquoias géants n'attireront pas que les touristes. Le volume de bois qu'ils représentent va bien sûr intéresser les industries du secteur. Mais le défi posé par la masse imposante des séquoias va mener à un gaspillage effréné. En effet les arbres sont tellement massifs qu'il se brisent en tombant. Le bois fendu est inutilisable. Quand les troncs sont en bon état, ils sont intransportables dans leur entièreté. Une quantité énorme de bois est ainsi abandonnée en pleine forêt. Cette hécatombe affectera 34% des séquoias géants.

Le bois des grands spécimens de séquoias géants est trop fragile et trop granuleux ; il ne convient guère pour les structures. Seuls les jeunes individus peuvent fournir un bois de qualité. Le bois des géants abattus servira dès lors pour le papier, le crayon, les poteaux de signalisation et les meubles de jardins. Pas de quoi rentabiliser les efforts que demandent l'abattage et le transport des arbres.

Dans le même temps des voix s'élèvent pour dénoncer le massacre, dont celle de John Muir, le père de l'écologie moderne. Les séquoias géants constituent un patrimoine unique qu'il faut préserver. La popularité et le caractère emblématique du séquoia géant, symbole de la grandeur de l'Amérique naissante, feront le reste. Ce sont ces trois facteurs qui vont faire du séquoia géant un privilégié de la protection des arbres: faible pression économique dûe au manque de rentabilité, éveil des consciences écologiques, et haute valeur symbolique d'un arbre qu'y attire l'admiration du monde entier.

Dès 1890, le Congrès signe les actes de création des parcs nationaux de Yosemite, Sequoia et Kings Canyon. D'autres actes de protection suivront au fur et à mesure, non sans mal (comment ne pas évoquer ici les menaces de l'administration Bush, voici quelques années à peine4). Aujourd'hui, 90% de l'habitat d'origine des séquoias géants est protégé: un cas unique dans la protection des arbres6.

L'engouement du monde pour les séquoias géants entraînera d'autres conséquences heureuses: véritable phénomène de mode, l'arbre sera planté sur tous les continents. Le prix des semences et le côté monumental du séquoia en feront au départ (XIXème) un arbre réservé aux classes dominantes ou aux espaces chargés de symbolique: châteaux, domaines privés, parcs publics, jardin de mairies ou d'académies. Les séquoias y prospérèrent en toute majesté, pour atteindre aujourd'hui des tailles respectables, qui en font souvent les plus grands arbres de leur pays d'accueil.

Les séquoias géants prirent une place de choix dans les parcs européens : ici à Tervuren, Belgique
Séquoia géant dans le Domaine Royal de Tervuren, Belgique :
le second du pays par la circonférence (8m37)

Paradoxalement hélas, aucune reproduction naturelle n'a été signalée à ce jour en dehors de l'aire de répartition d'origine en Californie. Ceci souligne en tout cas le caractère inoffensif du séquoia géant, qui contrairement à beaucoup d'espèces exotiques importées, ne présente aucun danger pour la flore endémique. Et si le coeur vous en dit, vous pouvez même tenter l'expérience d'en cultiver vous-même!


NOTES

1 La famille des Taxodiacées compte 14 espèces dont le cyprès chauve (taxodium distichum), le cyprès du Japon (cryptomeria japonica), le cyprès de Montezuma (taxodium mucronatum) et bien sûr les autres séquoias.

2 Il existe des séquoias géants plus larges que le General Sherman: Boole notamment, avec 34,4 mètres de circonférence, et d'autres plus élevés : plus de 90 mètres dans la Redwood Mountain Grove. En fait, un système de classement par points est utilisé communément pour "classer" les arbres en taille. Il combine hauteur totale de l'arbre et largeurs du tronc à différentes hauteurs. Ce qui permet de calculer son volume. C'est le General Sherman qui arrive en tête de ce classement.

3 L'arbre le plus élevé au monde est un séquoia sempervirens nommé Hyperion, il mesure 115,2 mètres de haut. L'arbre de Tulé (Mexique) , un cyprès de Montezuma mesure 36,2 mètres de circonférence. C'est le plus gros arbre du monde à tronc unique.

4 Il faut évoquer ici la saga de "Giant Sequoia National Monument". Créé en 2000 sur initiative du Président Bill Clinton, ce nouveau parc protégeait –enfin- la moitié des peuplements de séquoias géants existants. En 2006 l'administration Bush voulut faire marche arrière et autoriser l'abattage commercial privé dans le parc, sous prétexte de prévention des incendies. Une plainte de plusieurs associations écologistes dont le Sierra Club, appuyée par le Procureur Général de Californie finit par aboutir in extremis et l'administration Bush fût condamnée. L'arrêt stipule notamment que l'abattage des grands arbres est inapproprié dans le cadre de la prévention des incendies.

5 1852 marque la découverte "officielle" du séquoia géant. Des premières observations eurent lieu en 1833 (Leonard) et en 1850, mais leur évocation resta confidentielle.

6 Ces chiffres sont à mettre en rapport avec ceux du séquoia sempervirens dont il ne subsite que.. 4% de l'habitat d'origine! Les pressions économique et démographique sur le séquoia à feuilles d'if étaient totalement différentes.


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Texte et recherches © Marc Meyer, Bruxelles, septembre 2007
 
 
www.sequoias.eu